PREMIER RENDEZ-VOUS
                              
Dans l'ombre du grand bois où murmurent les dieux
Soupire un amoureux dans les bras du silence,
Le clocher a sonné le rancard radieux
En amour tout retard suscite l'impatience.

Le ruisseau attentif lui offre sa fraîcheur,
La lune qui se lève à l'étreinte convie
Elle ébauche à ravir son sourire moqueur
Irrite sans pitié cette âme inassouvie.

Soudain surgit au loin l'étincelle d'espoir
Une ombre qui se meurt, s'approche se dandine
Voilà que c'est un leurre et c'est le désespoir,
Fallacieux crescendo qui se meurt en sourdine.

Ce coeur désabusé, alors est aux abois
Lacéré,  déchiré,  fol,  battant la chamade
S'apprête, désolé, à trimbaler sa croix,
Chagrin attribué à une rebuffade.

Enfin des bruits de pas s'affirment, triomphants
Ineffable bonheur, cette fois c'est bien elle !
On s'acharne à veiller sur cette pauvre enfant
Qui a pu s'évader, bravant ses sentinelles.

Et les voilà tous deux, fébriles, enlacés,
Asservis, attisés par Éros le grand maître
Chers élans de ferveur, si souvent effacés
Quant l'orage sévit et qu'il faut se soumettre.

                                   Philippe Straehl