Aujourd’hui le 11 février, 1945
Ces temps-ci je me sens comme si j’avais de fausses contractions. J’ai
entendu dire maman, à mon père, qu’elle n’avait pourtant pas perdu son
bouchon. WOW je ne savais pas que j’étais embouchonné dans ce bassin
d’eau.
Dans ce même bassin j’en ai pourtant fait des pirouettes même que je me
serais senti d’équerre pour compétitioner avec Alexandre Despatie. Des
culbutes j’en ai faites plus qu’une, sur le dos, sur le ventre, des
plongeons sans éclaboussure j’aurais certainement mérité une médaille
d’or sur le podium. L’autre jour je suis resté coincé la tête en bas
dans une sorte entrée / sortie dont je ne connais pas l’issue. Je vais
attendre que je me dis pour voir ce qui m’attend.
Aujourd’hui le 12 février, 1945
La nuit dernière ça m'a fait drôle. Maman bougeait tout le temps, elle
avait de l’impatience dans les jambes, qu’elle a dit à mon père. Moi
aussi j’avais de l’impatience dans ma flaque d’eau. Je donnais de petits
coups de poings et des petits coups de pieds au plafond de ma mare
d’eau. Je me sens tellement coincé que je me sens dans un bassin d’eau
que j’appelle ‘’ma mare d’eau’’. Maman a ressenti mes petits coups. Elle
s’est frotté le ventre tout doucement, je suis devenu calme, paisible je
me suis endormi avec le pouce dans la bouche jusqu’au réveil de maman.
Maman a dit à papa qu’elle voulait prendre pour marraine Rosa Lemay et
comme parrain mon oncle Émile, frère de ma mère. Ils n’étaient pas
mariés ensembles. Rosa Lemay était la maîtresse d’école dans le rang.
Elle demeurait chez nous. J’ai entendu maman demander à Rosa si elle
voulait être la marraine du bébé, elle a dit oui. J’étais content et
‘’up’’ un ti coup de pied dans les côtes de maman. Maman s’est frottée
et je me suis endormi de nouveau, je me suis réveillé juste le lendemain
matin je crois.
Aujourd’hui le 13 février, 1945
J’aimerais m’étirer mais ma maison est devenue trop petite. Je sens ma
tête appuyée dans le bas ventre de maman. J’ai hâte de pouvoir bouger et
d’entendre les bruits clairement. Je connais déjà la voix de maman et de
papa. Ils se parlent souvent quand ils sont dans le lit, ils se disent
toutes sortes de choses. Je suis petit je ne comprends pas tout ce
qu’ils disent je les entends c’est tout.
Je sais déjà que pépère et mémère habitent avec nous. J’ai deux grands
frères Ghislain et Yoland. Maman dit qu’ils sont malcommodes, mémère dit
toujours laisse-les donc faire ils s’amusent. Maman ne dit plus rien,
elle était contente surtout que Yoland n’allait pas toujours bien, il
avait souvent mal au ventre. Maman avait toujours peur quand il avait mal
au ventre, car j’avais perdu un autre petit frère à la naissance, il
avait quelques jours seulement.
La journée se passe, maman chauffe le poêle souvent, elle se sent
toujours gelée qu’elle dit. Elle en parle à mémère, mémère lui dit que
ce sera pour bientôt. Je me demande bien ce qui sera pour bientôt, je
l’ai entendu dire mais je ne comprends pas encore une fois. Maman se
couche elle est fatiguée ce soir. Elle a encore de l’impatience dans les
jambes. Moi j'essaie de ne pas bouger je ne veux pas qu’elle ait mal à
ses côtes. Papa vient la rejoindre, ils jasent un peu et ils
s’endorment, moi aussi.
Aujourd’hui le 14 février, 1945
Qu'est-ce qui se passe maman? je me sens comme attiré vers je ne sais où
j'entends ma mère demander à papa d’aller chercher tante Célina et
d’aller chercher le docteur. Ça prend pas de temps que ma tante est là
et le docteur doit s’en venir. Ma tante installe maman et lui dit de ne
pas bouger. Moi et moi qu'est-ce que je fais? pourquoi on me dit rien,
je suis en train de mourir je crois et personne ne s’occupe de moi.
Maman s’informe à ma tante si Ghislain et Yoland ont pleuré chez elle,
elle a répondu ben non Simone s’occupe d’eux autres. Maman était bien
contente, moi je ne bouge plus, même si des fois je voudrais m’étirer je
ne peux pas j’ai les épaules coincées, même je ne peux plus bouger les
pieds. Il doit se passer quelque chose car d’habitude maman est moins
agitée que ça.
Je crois qu’il est tôt le matin ma tante a installé maman dans le lit.
Elle a mis beaucoup de draps sous maman pour pas qu’elle gèle je crois.
Ma tante a mis de l’eau à bouillir, je me suis dit qu’elle voulait
peut-être plumer la poule que la jument a écrasée aujourd’hui, c’est
papa qui a dit ça. Je sais que ça prend de l’eau chaude pour plumer la
poule l’autre jour c’est maman qui l’a fait avec mémère. Tiens papa
arrive avec le docteur Lévesque, ben oui c’est le père de Suzanne
Lévesque celle de la TV. Y avait pas de TV dans l’temps c’est par après
qu’on a su ça. Le docteur prend les choses en main. Je pense qu’il
écoute mon cœur par-dessus le ventre de maman. Il a dit que c’était beau
et mon cœur battait bien. Maman a mal, je le sens. Moi aussi je veux
glisser mais j’ai peur. Le docteur dit souvent à maman de pousser et des
fois de pas pousser. Maman essaie d’écouter le docteur Lévesque car il a
une grosse voix. Maman ne veut pas se faire chicaner. Ma tante Célina
parle tout le temps, des fois je n'entends plus maman mais je sais que
tout va et qu’elle n’a pas d’impatience non plus. Tout d’un coup le
docteur dit à maman de pousser fort, encore, encore Yvonne qu’il lui
dit, pousse, pousse. Me voilà parti, mon petit bassin d’eau a renversé
je crois, je suis tout mouillé, je pleure, j’ai froid. Ma tante Célina
me place sur le ventre de maman je reconnais son odeur déjà. Maman est
douce, elle est toute chaude je suis bien.
Maman me présente le sein, je tète le colostrum je suis fatigué je
m’endors.
Il y a beaucoup d’agitation dans la maison, tante Célina, pépère,
mémère, mon parrain, ma marraine ça grouille partout. Moi je dors on
m’emmaillote, je me réveille tante Célina me tient dans ses bras, je
passe aux bras de ma marraine. Finalement on embarque dans la carriole
pour aller voir le curé je dois être baptisé rapidement si je mourais
j’irais dans les limbes, je ne veux pas aller dans les limbes.
Je suis baptisé papa nous ramène tous à la maison. Maman s’est endormie,
elle est restée avec mémère.
Papa repartira un peu plus tard chercher de la liqueur aux fraises et à
l’orange. De gros formats jumbo je me souviens y avait un éléphant sur
la bouteille en verre.
Aujourd’hui 14 février, 2013
Déjà 68 ans de ça. De toutes ces personnes nommées ici il n’en reste pas
beaucoup. Y a Suzanne Lévesque, Ghislain, Yoland et moi. C’est fou mais
je suis la prochaine génération à quitter ce monde temporel. Quand le
temps sera venu je serai prêt. Y a pas de presse, comme le temps a passé
vite jusqu’à maintenant. J’ai eu le temps d’avoir ma famille à moi, deux
superbes de belles filles devenues femmes. Quatre petits-enfants, deux
filles 20 et 17 ans, deux garçons 16 et 14 ans.
Merci à la vie.
Auteur Ami-Calmant
C'est à ton tour de te laisser parler d'amour....
Les gens comme toi constituent une vraie richesse dans notre vie, source
constante de joie et de bonheur, ils sont de véritables perles rares que
l'on garde comme un trésor précieux. Que le bonheur et la santé soient toujours au
rendez-vous pour une longue vie.
Bonne et Heureuse fête
Nous t'aimons
Ami-Calmant
Prends bien soin de toi
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