Nous oublions trop
souvent que nous aussi, nous atteindrons le cap de la
vieillesse, même si nous ne sommes pas très pressés d’y arriver
voici un texte de Phyllis McCormack qui fait drôlement réfléchir sur
le sujet.
Le poème qui suit a été écrit par une femme qui est décédée
dans l'aile pour les personnes âgées de l'hôpital Ashludie,
près de Dundie, en Écosse.
Trouvé parmi ses effets personnels, il a tellement impressionné le
personnel qu'on en a fait des copies qui ont été distribuées dans
l'hôpital
et même en dehors des murs.
Que voyez-vous, garde, que voyez-vous maintenant ? Pensez-vous en me
regardant, une vieille femme grincheuse, pas vraiment très futée, à
l'allure incertaine et au regard absent ? Qui joue avec sa
nourriture et ne répond jamais quand vous dites d'une voix forte: «j'aimerais
que vous essayiez !» Qui ne semble pas voir les choses que vous
faites, et perd toujours un bas ou une chaussure ?
Qui de gré ou de force, vous laisse toujours faire à votre guise le
bain et les repas, pour remplir les longues journées ? Est-ce ce que
vous pensez, est-ce ce que vous voyez ? Alors ouvrez les yeux, garde,
c'est moi que vous regardez. Je vais vous dire qui je suis, assise
ici immobile. Lorsque j'obéis à votre commandement, mange sur votre
ordre...
Je suis une petite fille de dix ans avec son père et sa mère, des
frères et des soeurs qui s'aiment les uns les autres;
Une jeune fille de seize ans qui a des ailes aux pieds, rêvant
qu'elle rencontrera bientôt l'amour;
Une jeune mariée de vingt ans dont le coeur fait des bonds, se
rappelant les voeux qu'elle a promis de respecter;
Vingt-cinq ans et j'ai déjà un enfant qui a besoin de moi pour vivre
en sécurité et heureux;
Une femme de trente ans, mes bébés sont devenus grands, et ont tissé
des liens qui devraient durer toujours;
À quarante ans, mes jeunes fils ont grandis et sont partis, mais mon
homme est près de moi pour m'empêcher de pleurer;
À cinquante ans, encore une fois des enfants dans mes jupes, encore
une fois, il y a des enfants autour de nous, les mauvais jours
reviennent; mon époux est décédé, je regarde l'avenir, je frissonne
de peur car mes enfants ont maintenant des enfants, et je pense aux
années et à l'amour que j'ai connus;
Je suis une vielle femme maintenant, et la nature est cruelle;
quelle mauvaise plaisanterie que de laisser la vieillesse paraître
folle, le corps s'écroule, la grâce et la vigueur s'estompent; il y
a une pierre où j'avais un cœur.
Pourtant dans cette vielle carcasse vit toujours une jeune fille, et
aujourd'hui encore, mon coeur amer se gonfle, je me rappelle les
joies, je me rappelle les peines, j'aime la vie et je la revis à
nouveau, je pense aux années, trop peu nombreuses, passées trop vite,
et j'accepte la désolante vérité que rien n'est éternel, ouvrez vos
yeux, garde, ouvrez vos yeux et voyez, non pas une vielle femme
grincheuse, regardez plus près, regardez-moi !