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POÈME

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Reprise du dernier message


Hommage à la Nuit

Alphonse de Lamartine


Le jour s'éteint sur tes collines,
Ô terre où languissent mes pas !
Quand pourrez-vous, mes yeux, quand pourrez-vous, hélas !
Saluer les splendeurs divines
Du jour qui ne s'éteindra pas ?

Sont-ils ouverts pour les ténèbres,
Ces regards altérés du jour ?
De son éclat, ô Nuit ! à tes ombres funèbres
Pourquoi passent-ils tour à tour ?

Mon âme n'est point lasse encore
D'admirer l'œuvre du Seigneur;
Les élans enflammés de ce sein qui l'adore
N'avaient pas épuisé mon cœur !

Dieu du jour ! Dieu des nuits ! Dieu de toutes les heures !
Laisse-moi m'envoler sur les feux du soleil !
Où va vers l'occident ce nuage vermeil ?
Il va voiler le seuil de tes saintes demeures
Où l'œil ne connaît plus la nuit ni le sommeil !

Cependant ils sont beaux à l'œil de l'espérance,
Ces champs du firmament ombragés par la nuit;
Mon Dieu ! dans ces déserts mon œil retrouve et suit
Les miracles de ta présence !
Ces chœurs étincelants que ton doigt seul conduit,
Ces océans d'azur où leur foule s'élance,
Ces fanaux allumés de distance en distance,
Cet astre qui paraît, cet astre qui s'enfuit,
Je les comprends, Seigneur ! tout chante, tout m'instruit
Que l'abîme est comblé par ta magnificence,
Que les cieux sont vivants, et que ta providence
Remplit de sa vertu tout ce qu'elle a produit !
Ces flots d'or, d'azur, de lumière,
Ces mondes nébuleux que l'œil ne compte pas,
Ô mon Dieu, c'est la poussière
Qui s'élève sous tes pas !

Ô Nuits, déroulez en silence
Les pages du livre des cieux;
Astres, gravitez en cadence
Dans vos sentiers harmonieux;
Durant ces heures solennelles,
Aquilons, repliez vos ailes,
Terre, assoupissez vos échos;
Étends tes vagues sur les plages,
Ô mer ! et berce les images
Du Dieu qui t'a donné tes flots.

Savez-vous son nom ? La nature
Réunit en vain ses cent voix,
L'étoile à l'étoile murmure
Quel Dieu nous imposa nos lois ?
La vague à la vague demande
Quel est celui qui nous gourmande ?
La foudre dit à l'aquilon :
Sais-tu comment ton Dieu se nomme ?
Mais les astres, la terre et l'homme
Ne peuvent achever son nom.

Que tes temples, Seigneur, sont étroits pour mon âme !
Tombez, murs impuissants, tombez !
Laissez-moi voir ce ciel que vous me dérobez !
Architecte divin, tes dômes sont de flamme !
Que tes temples, Seigneur, sont étroits pour mon âme !
Tombez, murs impuissants, tombez !

Voilà le temple où tu résides !
Sous la voûte du firmament
Tu ranimes ces feux rapides
Par leur éternel mouvement !
Tous ces enfants de ta parole,
Balancés sur leur double pôle,
Nagent au sein de tes clartés,
Et des cieux où leurs feux pâlissent
Sur notre globe ils réfléchissent
Des feux à toi-même empruntés !

L'Océan se joue
Aux pieds de son Roi;
L'aquilon secoue
Ses ailes d'effroi;
La foudre te loue
Et combat pour toi;
L'éclair, la tempête,
Couronnent ta tête
D'un triple rayon;
L'aurore t'admire,
Le jour te respire,
La nuit te soupire,
Et la terre expire
D'amour à ton nom !

Et moi, pour te louer, Dieu des soleils, qui suis-je ?
Atome dans l'immensité,
Minute dans l'éternité,
Ombre qui passe et qui n'a plus été,
Peux-tu m'entendre sans prodige ?
Ah ! le prodige est ta bonté !

Je ne suis rien, Seigneur, mais ta soif me dévore;
L'homme est néant, mon Dieu, mais ce néant t'adore,
Il s'élève par son amour;
Tu ne peux mépriser l'insecte qui t'honore,
Tu ne peux repousser cette voix qui t'implore,
Et qui vers ton divin séjour,
Quand l'ombre s'évapore,
S'élève avec l'aurore,
Le soir gémit encore,
Renaît avec le jour.

Oui, dans ces champs d'azur que ta splendeur inonde,
Où ton tonnerre gronde,
Où tu veilles sur moi,
Ces accents, ces soupirs animés par la foi,
Vont chercher, d'astre en astre, un Dieu qui me réponde,
Et d'échos en échos, comme des voix sur l'onde,
Roulant de monde en monde
Retentir jusqu'à toi.



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Le papillon

Alphonse de Lamartine

Naître avec le printemps, mourir avec les roses,
Sur l’aile du zéphyr nager dans un ciel pur,
Balancé sur le sein des fleurs à peine écloses,
S’enivrer de parfums, de lumière et d’azur,
Secouant, jeune encor, la poudre de ses ailes,
S’envoler comme un souffle aux voûtes éternelles,
Voilà du papillon le destin enchanté!
Il ressemble au désir, qui jamais ne se pose,
Et sans se satisfaire, effleurant toute chose,
Retourne enfin au ciel chercher la volupté!



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À une jeune veuve

Voltaire

Jeune et charmant objet à qui pour son partage
Le ciel a prodigué les trésors les plus doux,
Les grâces, la beauté, l’esprit, et le veuvage,
Jouissez du rare avantage
D’être sans préjugés, ainsi que sans époux !
Libre de ce double esclavage,
Joignez à tous ces dons celui d’en faire usage ;
Faites de votre lit le trône de l’Amour ;
Qu’il ramène les Ris, bannis de votre cour
Par la puissance maritale.
Ah ! ce n’est pas au lit qu’un mari se signale :
Il dort toute la nuit et gronde tout le jour ;
Ou s’il arrive par merveille
Que chez lui la nature éveille le désir,
Attend-il qu’à son tour chez sa femme il s’éveille ?
Non : sans aucun prélude il brusque le plaisir ;
Il ne connaît point l’art d’animer ce qu’on aime,
D’amener par degrés la volupté suprême :
Le traître jouit seul… si pourtant c’est jouir.
Loin de vous tous liens, fût-ce avec Plutus même !
L’Amour se chargera du soin de vous pourvoir.
Vous n’avez jusqu’ici connu que le devoir,
Le plaisir vous reste à connaître.
Quel fortuné mortel y sera votre maître !
Ah ! lorsque, d’amour enivré,
Dans le sein du plaisir il vous fera renaître,
Lui-même trouvera qu’il l’avait ignoré.



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François Marie Arouet, dit VOLTAIRE (1694-1778)

Les Vous et les Tu

Philis, qu'est devenu ce temps
Où, dans un fiacre promenée,
Sans laquais, sans ajustements,
De tes grâces seules ornée,
Contente d'un mauvais soupé
Que tu changeais en ambroisie,
Tu te livrais, dans ta folie,
A l'amant heureux et trompé
Qui t'avait consacré sa vie ?
Le ciel ne te donnait alors,
Pour tout rang et pour tous trésors,
Que les agréments de ton âge,
Un coeur tendre, un esprit volage,
Un sein d'albâtre, et de beaux yeux.
Avec tant d'attraits précieux,
Hélas ! qui n'eût été friponne ?
Tu le fus, objet gracieux !
Et (que l'Amour me le pardonne !)
Tu sais que je t'en aimais mieux.

Ah ! madame ! que votre vie
D'honneurs aujourd'hui si remplie,
Diffère de ces doux instants !
Ce large suisse à cheveux blancs,
Qui ment sans cesse à votre porte,
Philis, est l'image du Temps ;
On dirait qu'il chasse l'escorte
Des tendres Amours et des Ris ;
Sous vos magnifiques lambris
Ces enfants tremblent de paraître.
Hélas ! je les ai vus jadis
Entrer chez toi par la fenêtre,
Et se jouer dans ton taudis.

Non, madame, tous ces tapis
Qu'a tissus la Savonnerie,
Ceux que les Persans ont ourdis,
Et toute votre orfèvrerie,
Et ces plats si chers que Germain
A gravés de sa main divine,
Et ces cabinets où Martin
A surpassé l'art de la Chine ;
Vos vases japonais et blancs,
Toutes ces fragiles merveilles ;
Ces deux lustres de diamants
Qui pendent à vos deux oreilles ;
Ces riches carcans, ces colliers,
Et cette pompe enchanteresse,
Ne valent pas un des baisers
Que tu donnais dans ta jeunesse.



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Pierre de RONSARD (1524-1585)


Mignonne, allons voir si la rose

A Cassandre

Mignonne, allons voir si la rose
Qui ce matin avoir desclose
Sa robe de pourpre au Soleil,
A point perdu ceste vesprée
Les plis de sa robe pourprée,
Et son teint au votre pareil.

Las ! voyez comme en peu d'espace,
Mignonne, elle a dessus la place
Las ! las ses beautez laissé cheoir !
Ô vraiment marastre Nature,
Puis qu'une telle fleur ne dure
Que du matin jusques au soir !

Donc, si vous me croyez, mignonne,
Tandis que votre âge fleuronne
En sa plus verte nouveauté,
Cueillez, cueillez votre jeunesse :
Comme à ceste fleur la vieillesse
Fera ternir votre beauté.



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